La vieille

« La vielha » est chantée en occitan par Louise Chambon, enregistrée par José Dubreuil et Jean-Claude Rocher à Vic-sur-Cère le 13 juillet 1988.

En voilà une chanson ! En voilà une chanteuse !

En un peu plus de trois minutes, tout un paysage se dessine. On dirait que, le temps de quelques couplets, toutes les chansons traditionnelles et toutes les voix qui les ont portées se sont rassemblées dans celle-là.

L’histoire est très répandue dans la chanson traditionnelle, tant dans le répertoire occitan que francophone : une vieille dame qui séduit un jeune homme, ils convolent en noces, et après un décès rapide, ce dernier trouve une jeunette. Le thème est universel, à la fois drôle, cruel et tragique. Il s’agit d’une chanson à refrain, faisant intervenir des onomatopées et formulettes dans le couplet (mon amic, etc…). Ce type de chanson est assez délaissé de nos jours, mais constitue vraisemblablement presque la moitié du répertoire du Massif Central. (cliquez sur la partition pour l’agrandir)


Mais une chanson n’est pas seulement un élément de répertoire, c’est aussi l’interprétation d’une individualité, l’expression d’une personne. Et cela est d’autant plus intéressant que l’individu en question porte avec toute sa propre personnalité l’expression même d’un territoire : outre la langue occitane (parler de la vallée de la Cère), cette interprétation présente les caractéristiques essentielles de la chanson traditionnelle en Auvergne.

La voix est porteuse d’émotion, elle est bien timbrée, elle vibre. On a l’impression que la chanteuse raconte sa propre histoire à travers une histoire stéréotypée. On ressent que ce texte et cette mélodie sont des prétextes, et que la chanteuse s’en sert pour traduire sa propre émotion.

La mélodie, au premier abord, peut paraître simple, somme toute assez classique. Mais cette simplicité apparente recèle quelques trésors : c’est une mélodie gaie sur la partition, mais qui paraît plutôt triste à l’écoute de l’extrait sonore. C’est un trait récurrent des chansons utilisant ce mode (c’est-à-dire cette gamme, ces notes) : l’interprète fait durer quelques notes, prend appui sur quelques autres (voir les points d’orgue sur la partition, ainsi que les notes signalées par des traits) et cela suffit pour créer un balancement, une cadence qui emmène l’auditeur tout en douceur. Les notes tenues sont de véritables réservoirs que la chanteuse charge d’émotion et cela donne cette impression de gravité, de tristesse, je dirai même plus exactement de force, de puissance.

Ainsi, une chanson toute simple peut-être le véhicule de la complexité culturelle d’un territoire et de la richesse d’un individu.

Alors, amies chanteuses et amis chanteurs, c’est à vous maintenant !

Eric Desgrugillers

pour aller plus loin :

  • un article sur les appuis dans la chanson traditionnelle : cliquez ici
  • une étude sur l’interprétation dans le chant traditionnel : cliquez là

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