L’aurelha de lebre

Cette bourrée est jouée à l’accordéon par Jean Linard, enregistré à La Granoustie dans le cantal par José Dubreuil au mois d’avril 1990.

l’aurelha de lèbre accordéon

Cet air de bourrée est particulièrement connu et répandu de nos jours, on peut même le considérer comme un standard. Au lieu de comparer cette version à d’autres interprétées par différents musiciens, nous allons plutôt nous arrêter sur quelques détails à première vue infimes, mais qui montrent à quel point l’appropriation d’une mélodie tient à peu de choses, mais ô combien importantes.

Jetons un coup d’oeil à la partition :

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On voit et on entend que l’accompagnement est avant tout rythmique et sert de soutient, par une découpe précise d’une part, et par son aspect bourdonnant de l’autre. Le musicien ne fait pas vraiment d’accords : il suit les contraintes de l’instrument et de son accordage : quand il pousse ou tire sur le soufflet, il produit l’un ou l’autre accord. Une étude fine de l’accompagnement montrerait que les basses varient légèrement, et que l’accord lui ne change pas, produisant le même son en tiré qu’en poussé, ce qui produit l’aspect bourdonnant.

Mais c’est la mélodie qui retient notre attention : les articulations employées (les liaisons, les notes pointées, allongées et les ornements) sont agencées de façon à donner un fort caractère vocal : on a l’impression que l’accordéon chante. La suite de ces articulations semble répondre à une logique dynamique, et pour cause, la clé nous est donnée par le chant:

MS019 l’aurelha de lebre chant

On entend que Jean Linard appuie de façon particulière sur le temps forts, à la manière d’un ressort, alternant une forte pression avec un rebond. La partition suivant aide à le comprendre :

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On voit que les premiers temps sont toujours mis en valeur (accentuation, ornements, allongements…), mais on voit également que le deuxième temps présente des durées longues (croches pointées). Cela donne l’impression d’une syncope, d’un décalage du temps fort. C’est ce balancement si particulier qui organise les articulations de la version à l’accordéon : les liaisons donne l’impression que la note accentuée du premier temps est en déséquilibre et qu’elle retombe en s’appuyant, se rattrapant et concluant  sur le second temps.

Au fond, c’est la même musique, la même trame, le même morceau qui passe dans la tête de son interprète, mais son exécution diffère suivant qu’il chante ou qu’il joue, alors que les repères sont les mêmes.

La standardisation dont on parlait plus haut, est donc loin maintenant, et n’est pas prête de se produire, tant que la respiration inhérente à la musique, bien plus importante que la note est là. Les collectages donnent à entendre des versions choisies (combien n’ont pas été enregistrées!), et par la même fixées sur une bande (ce qui est à l’origine de la standardisation d’une version).

Mais tout porte à croire qu’une écoute fine de nos auditeurs permettra certainement de garder vivante cette respiration intérieure, si propice à la variation!

Eric Desgrugillers

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