Duo Artense « Sur le Vif »

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Il y a de ces histoires de rencontres qui ne s’oublient pas, qui sont impérissables et qui tracent bien profond des chemins de musique sur nos atlas, des musiques fortes qui poussent sur les montagnes, et qui fleurissent à la sauvage, toutes vives et parfumées. Basile et Hervé ont croisé leurs notes au hasard des bœufs et des festivals en 2006 pour la première fois. Hervé Capel, accordéoniste de renom dans les terres de l’Artense, cherchait un violoneux pour animer un bal avec lui. C’est Basile Brémaud, le cévenol alors expatrié, qu’il appela pour lancer quelques bourrées en commun :

« Nous avons répété chez Hervé quelques journées qui s’étiraient jusqu’à ce que le cendrier soit plein et les verres vides. Le lendemain nous remettions ça, la bouche en carton, les oreilles saturées de bourrées mais le corps et l’esprit encore poreux, prêts à se ranimer à la première surprise décelée dans le jeu de l’autre. Nous avons fait le bal dans la foulée et avons décidé de ne jamais arrêter. »

Basile se souvient bien de ces premiers instants qui disent l’évidence de cette rencontre. Un tandem aussi évident que le nom qu’il devait porter… Lors de leur premier bal, pour réserver leur créneau de jeu et situer à peu près le répertoire qui va être joué, Hervé griffonne deux mots sur le planning de la soirée : « Duo Artense ». Sept ans plus tard, après un album studio, une centaine de prestations et une grande aventure au sein du groupe Tres, les deux compères remettent le couvert et s’attablent à l’auberge du Gamounet, siège du CDMDT63 (Les Brayauds), pour faire vibrer leur nouveau répertoire et enregistrer un deuxième album très  attendu.

  • LA MUSIQUE SUR UN PLATEAU D’ARGENT

La richesse du Duo Artense, c’est bien sûr avant tout cet hommage grandiose à un répertoire qui depuis, a investi les imaginaires musicaux de très nombreux musiciens actuels des bals trad. Pourtant, à l’époque, la longue et tenace tradition de violon populaire de ce plateau de l’Artense, carrefour entre le Puy-de-Dôme, le Cantal et la Corrèze, n’était pas vraiment la tête de gondole de la musique d’Auvergne dans les souvenirs :

« Au moment de nos premières rencontres, à la fin du 1er siècle après Fenou de Lanobre*, la musique de violon était retombée dans une sorte de clandestinité qui faisait suite à l’effervescence de la redécouverte des années 70-80. Dans ces années là, les acteurs de la musique auvergnate se retrouvaient tous autour d’un consensus basé sur le sol/do et le répertoire parisien des duos cabrettes/accordéons. Les quelques affamés de ces musiques de violon partageaient des moments à la sauvette à la fin des bœufs avant que les instruments ne regagnent leurs étuis. Rares étaient les musiciens et groupes qui mettaient la musique de l’Artense en avant sur scène. »hervc3a9-capel-1

C’était sans compter sur Hervé Capel,  autochtone du plateau Artensier, qui au travers de ses rencontres avec Olivier Durif, Joseph Perrier et d’autres détenteurs de ce savoir-faire violonistique, avait créé des affinités très fortes avec ces morceaux et ce style de jeu. Pour Hervé, la mission est double :

« Il me semble essentiel de prolonger cette lignée qui s’inscrit dans l’histoire d’un  »pays », de prolonger tout un travail fait dans les années 70. Mon challenge était aussi de montrer qu’un accordéon chromatique peut jouer avec un violon sans que ce dernier soit écrasé ! Si deux personnes veulent jouer ensemble, l’instrument n’est qu’un prétexte donc tout est possible… »

 

C’est aussi ce qu’a finalement senti Basile, qui au bout de plusieurs années de pratique de ce répertoire et de cette stylistique, s’est peu à peu détaché du rapport purement instrumental qu’il entretenait avec. Ce terrain d’expérimentation parfait pour les violoneux, avec toutes ses fantaisies mélodiques et rythmiques et ses couleurs modales uniques au monde, fut l’occasion pour lui de découvrir à quel point la trace du chant était prégnante dans le modelage de cette musique, et combien le rapport à la danse pouvait « décupler sa puissance et son énergie ».

 

  • « L’ORALITE C’EST TOUJOURS JAMAIS PAREIL »

La musique de l’Artense est un vrai trésor, une mine d’or pour ces deux amis qui ne se réclament ni d’une appartenance à la tradition séculaire des musiciens populaires du plateau, ni d’une étoffe de créateurs inspirés par une source lointaine :

basile-brc3a9maud-1« Je pense que c’est mortifère de devoir se positionner d’une part, par rapport à une tradition, et de l’autre, par rapport à la création. Quand on écoute la variété des esthétiques musicales rattachées aux différents violoneux, on s’aperçoit qu’à travers le processus de l’oralité, ces traditions tendent autant à produire du différent que du semblable : c’est dans cette marge de variation que nous situons notre espace de liberté. D’un autre côté, si j’ai été séduit par la musicalité développée par les vieux musiciens de l’Artense, et que je suis allé chercher chez eux des éléments musicaux, ce qui m’intéresse n’en reste pas moins de savoir où cela me mène, de définir l’espace que je dessine à partir des choix que je fais là dedans. Maintenant que je sais ce que je cherchais, je m’aperçois que j’aurais pu trouver cela ailleurs: ici dans les Cévennes, en Crète, au Rajasthan…il se trouve que pour moi c’est passé par la découverte de ceux qui font vivre la musique de l’Artense, anciens ou jeunes. »

Les musiciens du duo Artense, conscients du trésor que représente ce patrimoine culturel, restent convaincus que le rôle de l’artiste, parallèlement à celui des collecteurs et archivistes qui sauvegardent et offrent le libre-accès à ces sources, réside dans l’interprétation vivante de ces partitions invisibles, intemporelles et diffuses.  Basile témoigne :

« Le danger c’est que cette musique devienne une collection d’objets. Cela fait deux siècles que l’on prédit la mort des traditions populaires, et curieusement il y a toujours une rémanence des savoirs qui en sont issus. Et nous musiciens, chanteurs, danseurs, avons le rôle de catalyseurs afin de précipiter ces savoirs sous une forme tangible. Oui, je crois que l’urgence s’est déplacée là: incarner ces expressions, leur donner un corps, une chair. »

 

  • LE « TRIBUNE-BAL » D’UN FLAGRANT DELIRE

Le duo Artense a bien trouvé sa place dans la grande valse de tous ces pollens qui se déposent sur les bals d’aujourd’hui. Forts de leur virtuosité de musiciens de bals, Basile et Hervé abordent leur deuxième projet d’enregistrement au cœur de cette logique : c’est en live, avec les danseurs, la fièvre du soir et l’ambiance des buvettes latérales qu’ils ont choisi de fixer leur musique. Hervé explique :

« La musique que l’on fait est, avant tout, une musique à danser. Nous jouons de la musique de bal et il nous semble naturel d’enregistrer un bal. Notre objectif est vraiment de saisir, d’enregistrer, de capter l’énergie que nous mettons lorsque nous jouons en bal. C’est peut-être aussi l’occasion de rendre hommage aux danseurs car un musicien de bal n’existe pas sans danseurs…. »

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Pour capter au mieux cette circulation d’énergie entre danseurs et musiciens, ce dialogue improvisé in situ, le duo a choisi de procéder à l’enregistrement durant deux soirs de bal exceptionnels au Gamounet, chez les Brayauds, Centre Départemental des Musiques et Danses Traditionnelles du Puy-De-Dôme.

Basile : « Les Brayauds sont des amis, c’est chez eux  que j’ai découvert la musique que nous jouons. En plus c’est un bel espace, où l’on se sent bien et où l’on a envie de faire sonner notre musique. »

Hervé : « C’est un endroit dans lequel des bals sont organisés régulièrement, il y a un public, une belle salle avec un parquet, une buvette, de la bonne bouffe et René* ! »

Ainsi nous vous invitons à participer à ce week-end de bal infernal les 6 et 7 décembre, en compagnie du duo Artense bien sûr, mais aussi des groupes amis qu’ils ont invités à rejoindre la scène : les Brayauds de la Perdrix Rouge et de Airbag, ainsi que le duo Puech-Gourdon et les Poufs à Cordes qui lancent elles-mêmes la sortie de leur premier album !

 

Renseignements :

https://www.facebook.com/events/177482642448335/?fref=ts

 

 

 

*Fenou : Surnom de monsieur Gatignol, 1853 – 1937. Scieur de métier au Fraisse de Lanobre dans le Cantal, sa réputation exceptionnelle de violoneux traversait la Dordogne, et de nombreux musiciens Limousins lui rendaient visite pour apprendre ses airs.

*René Chaize : Un bénévole historique de l’association des Brayauds, apprécié pour son sens de l’accueil et sa générosité. Il est le compositeur de nombreux airs pour accordéon jouées par Hervé Capel dans le CD qui accompagne son « Recueil de valses mineures et plus si affinités… »

 

 

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