Les derniers jours de Martin Cayla

(1889 – 1951) – Etant donné que beaucoup de choses furent dites et écrites sur le sujet, que ce soit par des tiers ou par Martin Cayla lui-même, je vais consacrer cette chronique à la fin de son histoire. Après avoir organisé son existence, à la suite de ses ambitions et de ses désirs, il peut enfin se retourner sur son parcours et constater le chemin parcouru.

Pourquoi ?

En juillet 1942, à peine sorti de l’instabilité de la bipédie, on lui offre un vélo et dans sa barboteuse sans autre garantie que son devoir d’y parvenir, on lui demande de se propulser sans roulettes et sans mains tenant la selle. Sur ses deux premiers clichés, l’enfant, à mi-chemin entre le bonheur d’avoir un deux-roues à sa dimension, va se lancer sous la pression de son environnement familial.     –        Si tu veux devenir un homme mon fils, il te faut prendre des risques et peu importe que tu ternisses l’éclat de tes chaussettes ou de tes chaussures, …

Le sens du partage

Ils adoraient leurs enfants. L’aîné s’appelait Jean et la petite, Justine. La petite, car la dernière, mais elle n’avait rien de petit. Ni son physique, ni sa force morale. Ils les adoraient et pour pouvoir les admirer lorsqu’ils échappaient à leurs regards, ils leur imposaient de se faire photographier en pied au moins une fois par an. A cet effet, le curé du village se déplaçait avec son matériel quasi magique et opérait les deux clichés en faisant en sorte de varier le décor. Pour cette série, il avait quand même trouvé ce bout de mur du jardin où un …

La Gillette Piau

« Emmerde pas les poules, qu’elles pondront des œufs carrés ! » balançait elle rituellement à son fils, campé comme un I dans la terre juste derrière elle, lorsqu’elle donnait à manger à ses volailles chéries.  « Et les œufs carrés, j’peux t’dire, c’est pas facile à manger! » La Gillette Piau, puisque c’était son nom, tenait énormément à cette théorie qui était plutôt une forme de croyance populaire largement répandue dans le Massif Central, à savoir que les poules peuvent potentiellement, à chaque instant, décider conjointement de réaliser l’insurrection du poulailler contre tous les éventuels mauvais traitements que pourraient lui prodiguer leurs maîtres, …

Voir la mer

 Quitter ces montagnes pour aller voir la mer, quel périple, que d’excitation et d’empressement. Le voyage en car est interminable. Pour l’essentiel, il est passé en discussion inutile ou futile. Les paysages traversés n’étant en rien un but énoncé, ils ne sont pas regardés. Seuls deux points comptent, celui du départ et celui de l’arrivée. Le reste est un espace de contrainte et de fatigue nécessaire. D’ailleurs à ce propos, interrogées à leur retour, aucune de ces jeunes filles ne pourra faire le plus petit commentaire sensé sur le trajet. Nul ne relèvera ce manque et nul ne fera le …

Les siamois

Des siamois à trois pattes, voilà qui n’est pas commun. En fait, il semble bien qu’il y en ait une quatrième mais perpendiculaire aux autres et soutenues par les mains droites des deux enfants étroitement réunis. Que peut bien circuler entre ces deux rêveurs où les os du crâne leur sont communs ? Quel échange de pensée à partager et quels propos à échanger ? Sont-ils différents ou l’un des deux à l’ascendant sur cet étrange duo. Il semble d’ailleurs à mieux regarder cette image que celui de gauche ai grandi d’avantage que son colocataire ce qui doit au quotidien poser de …

L’Auvergne profonde

L’Auvergne est profonde comme l’indique cette photographie où l’opérateur, dos aux roches tuilières et Sanadoires fixe sur le papier, le lac de Guéry avec en fond les monts Dore. Sa profondeur s’exprime ici par sa magnificence, par sa noblesse et sa puissance. L’espace prenant la parole, il raconte une histoire millénaire où les mains des hommes qui l’ont foulés ont dessiné l’essentiel des sculptures paysagères qui apparaissent sur cette image. Je ne parle pas des masses montagneuses ni de celles non moins colossales que contient ce lac de cratère. Je parle des placements des bâtiments que ce soit l’auberge de …

Je ne marche plus, je roule

Le meilleur moyen de ne pas user les semelles de ses chaussures c’est de ne pas marcher ou de s’en aller en vélo. Mais que d’économie pour pouvoir acquérir ce type de machine infernale où nombreux sont ceux qui y perdirent la vie, l’usage de leurs jambes, de leurs bras ou de leur cerveau. Saoul, on roule dans le fossé et l’alcool protège ceux qui y passent la nuit en pleins hivers. Le vélo quant à lui n’a aucune mémoire et ne va que là où le regard le porte. Sur terrain plat et lisse, il peut préserver son chauffeur …

Quel sourire…

  Tes joues gonflées, tes yeux plissés… Ta douce peau si jeune, jusqu’à tes petites phalanges potelées… Maman t’avait elle-même confectionné le vêtement qui t’enveloppait le haut du corps, laissant tes genoux afficher leur courbe parfaite, tes genoux immaculés de toute plaie jusqu’alors. Nous n’avions pas peur que tu tombes et je pense que nous n’avions pas à nous en inquiéter. Ce cheval de bois semblait te prémunir de toute chute, à vrai dire il était tout à fait banal, malgré qu’il eut chez toi un impact hors du commun. Pourquoi cet animal en bois te sembla si miraculeux ? Certes …